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pas un instant d’être en communication avec lui, et nous pûmes échanger nos lettres avec une parfaite régularité.

Nos chefs, prisonniers ou libres, se trouvaient donc en mesure de discuter et de diriger la campagne. Il eût été facile, au bout de quelques mois, d’en faire évader plusieurs ; mais dès lors que l’emprisonnement n’entravait point notre activité, nous résolûmes d’éviter toute entreprise prématurée. Il y avait dans les prisons cinquante-deux représentants et plus de trois cents autres meneurs révolutionnaires. Nous décidâmes qu’ils seraient délivrés simultanément. L’évasion d’un petit nombre eût éveillé la vigilance des oligarques, et peut-être empêché la libération du reste. D’autre part, nous estimions que cette rupture de geôles, organisée dans tout le pays à la fois, aurait sur le prolétariat une énorme répercussion psychologique, et que cette démonstration de notre force inspirerait confiance à tous.

Il fut convenu, en conséquence, quand je fus relâchée au bout de six mois, que je devais disparaître et préparer un refuge sûr pour Ernest. Ma disparition même n’était pas chose facile. À peine étais-je en liberté que les espions du Talon de Fer s’attachèrent à mes pas. Il s’agissait de leur faire perdre la piste et de gagner la Californie. Nous y réussîmes d’une façon assez comique.

Déjà se développait le système des passeports à la russe. Je n’osais traverser le continent sous mon propre nom. Si je voulais revoir Ernest, je