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pris d’intérêt pour Ernest, et désirait vivement une nouvelle entrevue. « Un jeune homme fort » avait-il déclaré, «et vivant, bien vivant ; mais il est trop sûr, trop sûr. »

Ernest revint un après-midi avec père. L’évêque Morehouse était déjà arrivé, et nous prenions le thé sous la véranda. Je dois dire que la présence prolongée d’Ernest à Berkeley s’expliquait par le fait qu’il suivait des cours spéciaux de biologie à l’Université, et aussi parce qu’il travaillait beaucoup à un nouvel ouvrage intitulé « Philosophie et Révolution »[1].

Quand Ernest entra, la véranda sembla soudain rapetissée. Ce n’est pas qu’il fût extraordinairement grand — il n’avait que cinq pieds neuf pouces — mais il semblait rayonner une atmosphère de grandeur. En s’arrêtant pour me saluer, il manifesta une légère hésitation en étrange désaccord avec ses yeux hardis et sa poignée de main ; celle-ci était ferme et sûre : ses yeux ne l’étaient pas moins, mais, cette fois, ils semblaient contenir une question tandis qu’il me regardait, comme le premier jour, un peu trop longtemps.

— J’ai lu votre « Philosophie des classes laborieuses », lui dis-je, et je vis ses yeux briller de contentement.

  1. Ce livre a continué à être imprimé secrètement pendant les trois siècles du Talon de Fer. Il existe plusieurs copies de ses diverses éditions à la Bibliothèque nationale d’Ardis.