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pas du tout la nôtre, il avait donné ses ordres pour faire repousser notre projet. Ernest et ses camarades savaient que leur effort n’aboutirait pas, mais, las d’être tenus en suspens, ils désiraient une solution quelconque. Ne pouvant réaliser quoi que ce soit, ils n’espéraient rien de mieux que de mettre fin à cette farce législative où on leur faisait jouer un rôle involontaire. Nous ignorions quelle forme prendrait cette scène finale, mais nous n’en pouvions prévoir de plus dramatique que celle qui se produisit.

Ce jour-là je me trouvais dans une galerie réservée au public. Nous savions tous qu’il allait se passer quelque chose de terrible. Un danger planait dans l’air, et sa présence était rendue visible par les troupes alignées dans les corridors et les officiers groupés aux portes mêmes de la salle. L’Oligarchie était évidemment sur le point de frapper un grand coup. Ernest avait pris la parole. Il décrivait les souffrances des gens sans emploi, comme s’il avait caressé le fol espoir de toucher ces cœurs et ces consciences ; mais les membres républicains et démocrates ricanaient et se moquaient de lui, l’interrompant par des exclamations et du bruit. Ernest changea brusquement de tactique.

— Je sais bien que rien de ce que je pourrai dire ne saura vous influencer, — déclara-t-il. Vous n’avez pas d’âme à toucher. Vous êtes des invertébrés, des êtres flasques. Vous vous intitulez pompeusement Républicains ou Démocra-