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Mon inquiétude s’explique. Je pense, je pense sans trêve et ne puis m’empêcher de penser. J’ai vécu si longtemps au cœur de la mêlée que la tranquillité m’oppresse, et mon imagination revient malgré moi à ce tourbillon de ravage et de mort qui va se déchaîner sous peu. Je crois entendre les cris des victimes, je crois voir, comme je l’ai vu dans le passé[1], toute cette tendre et précieuse chair meurtrie et mutilée, toutes ces âmes violemment arrachées de leurs nobles corps et jetées à la face de Dieu. Pauvres humains que nous sommes, obligés de recourir au carnage et à la destruction pour atteindre notre but, pour introduire sur terre une paix et un bonheur durables !

Et puis je suis toute seule ! Quand ce n’est pas de ce qui doit être, je rêve de ce qui a été, de ce qui n’est plus. Je songe à mon aigle, qui battait le vide de ses ailes infatigables et prit son essor vers son soleil à lui, vers l’idéal resplendissant de la liberté humaine. Je ne saurais rester les bras croisés pour attendre le grand événement

    et l’exécution d’Everhard constituèrent l’événement marquant du printemps de 1932. Mais il avait si minutieusement préparé ce soulèvement que ses complices purent réaliser ses plans sans trop de confusion ni de délai. C’est après l’exécution d’Everhard que sa veuve se retira à Wake Robin Lodge, petite habitation dans les montagnes de la Sonoma, en Californie.

  1. Allusion évidente à la première révolte, celle de la Commune de Chicago.