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vents avaient été déchaînés. Dieu avait agité les nations pour la lutte. Ce fut une époque d’apparitions et de miracles. Les voyants et les prophètes étaient légion. Les gens, par centaines de mille, quittaient le travail et s’enfuyaient vers les montagnes, pour y attendre la descente imminente de Dieu et l’ascension des cent quarante quatre mille élus. Mais Dieu n’apparaissait pas, et ils mouraient de faim en grand nombre. Dans leur désespoir, ils ravageaient les fermes pour trouver des victuailles ; le tumulte et l’anarchie, envahissant les districts campagnards, ne faisaient qu’exaspérer le malheur des pauvres fermiers dépossédés.

Mais les fermes et les granges étaient la propriété du Talon de Fer. De nombreuses troupes furent envoyées aux champs, et, à la pointe des baïonnettes, les fanatiques furent ramenées à leur tâche dans les villes. Ils s’y livrèrent à des émeutes et soulèvements sans cesse renouvelés. Leurs chefs furent exécutés pour sédition ou enfermés dans des maisons de fous. Les condamnés marchaient au supplice avec toute la joie des martyrs. Le pays traversait une période de contagion mentale. Jusque dans les déserts, les fourrés et les marécages, de la Floride à l’Alaska, les petits groupes d’Indiens survivants dansaient à pas de fantômes et attendaient l’avènement d’un Messie de leur cru.

Et au sein de ce chaos, avec une sérénité et une assurance qui avaient quelque chose de