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de porter des armes, et tout manquement à l’observation de cette loi était considéré comme un grave délit et puni en conséquence.

Le monde du travail, outragé, continua à tirer vengeance des renégats. Des castes se dessinèrent automatiquement. Les enfants des traîtres étaient poursuivis par ceux des travailleurs trahis, au point de ne pouvoir jouer dans les rues ni se rendre aux écoles. Leurs femmes et leurs familles étaient en butte à un véritable ostracisme, et l’épicier du coin était boycotté s’il leur vendait des provisions.

Le résultat fut que, rejetés de tous côtés sur eux-mêmes, les traîtres et leurs familles formèrent des clans. Trouvant impossible de demeurer en sûreté au milieu d’un prolétariat hostile, ils s’établirent dans de nouvelles localités habitées exclusivement par leurs pareils. Ce mouvement fut favorisé par les oligarques. À leur usage furent construites des maisons hygiéniques et modernes, entourées de vastes espaces, de jardins et de terrains de jeu. Leurs enfants fréquentèrent des écoles créées pour eux avec des cours spéciaux d’apprentissage manuel et de sciences appliquées. Ainsi, dès le début, et d’une façon fatale, une caste naquit de cet isolement. Les membres des syndicats privilégiés devinrent l’aristocratie du travail et furent séparés des autres ouvriers. Mieux logés, mieux vêtus, mieux nourris, mieux traités, ils participèrent au rabiot avec frénésie.