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Et ses camarades l’appelaient prophète de malheur.

Or, cette impossibilité d’entrer en fonctions n’était pas le plus grand des dangers qui hantaient son esprit. Ce qu’il prévoyait et appréhendait surtout était la défection de certains grands syndicats ouvriers et l’établissement de nouvelles castes.

— Ghent a indiqué aux oligarques la manière de s’y prendre, disait-il. Je gagerais bien qu’ils ont fait leur livre de chevet de son Féodalisme Bénévole[1].

Jamais je n’oublierai la soirée où, à la suite d’une chaude discussion avec une demi-douzaine de chefs travaillistes, Ernest se tourna vers moi et me dit tranquillement :

— Tout est consommé ! Le Talon de Fer a gagné la partie. La fin est en vue.

Cette petite conférence, tenue chez nous, n’avait pas de caractère officiel ; mais Ernest, de concert avec ses autres camarades, essayait d’obtenir des chefs travaillistes l’assurance qu’ils

  1. Our Benevolent Feudalism, paru en 1902. On a toujours affirmé que c’est Ghent qui fit naître l’idée de l’Oligarchie dans les esprits capitalistes. Cette croyance persiste dans toute la littérature des trois siècles du Talon de Fer, et jusque dans le premier siècle de la Fraternité de l’Homme. Nous savons aujourd’hui à quoi nous en tenir ; mais cela n’empêche pas que Ghent ait été l’un des innocents les plus calomniés de toute l’histoire.