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Toute sa force financière s’alimentait à cette source unique, les trusts n’ayant que faire de la réclame[1]. Pour démolir Hearst, il leur suffisait donc de lui enlever sa publicité.

La classe moyenne n’était pas encore totalement exterminée ; elle conservait un squelette massif mais inerte. Les petits industriels et hommes d’affaires qui s’obstinaient à survivre, dénués de pouvoir, dépourvus d’âme économique ou politique, étaient à la merci des ploutocrates. Dès que la haute finance leur en signifia l’ordre, ils retirèrent leur publicité à la presse de Hearst.

Celui-ci se débattit, vaillamment. Il fit paraître ses journaux à perte, comblant de sa poche un déficit mensuel d’un million et demi de dollars. Il continua à publier des annonces qui ne lui étaient plus payées. Alors, sur un nouveau mot d’ordre de la ploutocratie, sa mesquine clientèle le submergea d’avertissements lui enjoignant de cesser sa réclame gratuite. Hearst s’entêta. Des sommations lui furent signifiées, et comme il persistait dans son refus d’obéir, il fut puni de six mois de prison pour offense envers la Cour, en même temps qu’il était acculé à la banqueroute par un déluge d’actions en dom-

  1. La publicité était extraordinairement onéreuse en cette époque de gâchis. La concurrence n’existait qu’entre les petits capitalistes, et c’étaient eux qui faisaient de la publicité. Dès qu’un trust se formait il n’y avait plus de rivalité possible, et par conséquent les trusts n’avaient pas besoin d’annonces.