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que je devais le faire en secret, sinon on m’aurait tout pris. C’eût été terrible. Je suis souvent émerveillé de l’immense quantité de pommes de terre, de pain, de viande, de charbon ou de bois qu’on peut acheter avec deux ou trois cent mille dollars. — Il se tourna vers Ernest. — Vous avez raison, jeune homme, le travail est payé terriblement au-dessous de sa valeur. Je n’ai jamais accompli le moindre labeur dans ma vie, sinon pour adresser des exhortations esthétiques aux Pharisiens. — Je croyais leur prêcher le message, — et je valais un demi million de dollars. Je ne savais pas ce que signifiait cette somme avant d’avoir vu combien de victuailles on peut acheter avec. Et alors j’ai compris quelque chose de plus. J’ai compris que tous ces produits m’appartenaient, et que je n’avais rien fait pour les produire. Il me parut clair dès lors que d’autres avaient travaillé à les produire et en avaient été dépouillés. Et quand je descendis parmi les pauvres, je découvris ceux qui avaient été volés ; ceux qui étaient affamés et misérables par suite de ce vol.

Nous le ramenâmes à son histoire.

— L’argent ? Je l’ai déposé dans beaucoup de banques diverses et sous différents noms. On ne pourra jamais me l’enlever, car on ne le découvrira jamais. Et c’est si bon, l’argent, ça sert à acheter tant de nourriture ! J’ignorais complètement jadis à quoi servait l’argent.

— Je voudrais bien en avoir un peu pour la