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une jambe de bois, et la misère à un ulcère qu’il fallait enlever, au lieu d’y coller un emplâtre. Son remède était simple. Donner à l’ouvrier le produit de son labeur, et une pension à ceux qui ont vieilli honorablement en travaillant, et il n’y aura plus besoin d’aumônes. Persuadée de la justesse de ce raisonnement, je travaillais avec lui à la révolution, et je ne gaspillais pas mon énergie à soulager les misères sociales qui renaissent constamment de l’injustice du système.

Je suivis l’évêque dans une petite chambre de derrière, longue de douze pieds sur dix de large. Nous y trouvâmes une pauvre petite vieille Allemande, âgée de soixante-quatre ans, d’après ce qu’il me dit. Elle fut surprise de me voir, mais fit un signe de cordiale bienvenue sans s’interrompre de coudre dans un pantalon d’homme qu’elle tenait sur les genoux. Par terre, à côté d’elle, il y en avait une pile de semblables. L’évêque découvrit qu’il ne restait ni bois ni charbon, et sortit pour en acheter.

Je ramassai un pantalon et j’examinai son travail.

— Six cents, madame, dit-elle en branlant doucement la tête tout en continuant de coudre. Elle cousait lentement, mais sans s’arrêter une seconde. Son mot d’ordre semblait être : « coudre, encore coudre, et coudre toujours ».

— Pour tout ce travail-là, c’est tout ce qu’ils paient ? demandai-je avec étonnement. Combien de temps cela vous prend-il ?