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la familiarité de ce dos et de ces mèches d’argent me hantait positivement. Je le rattrapai et, en le dépassant, je jetai un coup d’œil de côté sur son visage ; puis je fis brusquement demi-tour et me trouvai face à face avec — l’évêque.

Il s’arrêta brusquement aussi et demeura bouche bée. Un gros sac en papier qu’il tenait à la main tomba sur le trottoir, creva, et une pluie de pommes de terre rebondit sur ses pieds et les miens. Il me regarda avec surprise et effroi, puis sembla se recroqueviller ; ses épaules s’affaissèrent et il poussa un profond soupir.

Je lui tendis la main. Il la prit, mais la sienne était moite. Il toussotait d’un air embarrassé et je voyais des gouttes de sueur se former sur son front. Il était évidemment très alarmé.

— Les pommes de terre ! murmura-t-il d’une voix éteinte. Elles sont précieuses.

Nous les ramassâmes à nous deux et les remîmes dans le sac déchiré qu’il tenait soigneusement à présent dans le creux de son coude. J’essayai de lui faire comprendre combien j’étais heureuse de le revoir, et l’invitai à venir tout droit à la maison avec moi.

— Père se réjouira de vous voir, lui dis-je. Nous habitons à deux pas d’ici.

— Impossible, répondit-il. Je dois m’en aller. Au revoir.

Il regarda autour de lui d’un air inquiet, comme s’il craignait d’être reconnu, et esquissa un mouvement de départ.