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fantaisiste que le devoir de la société était de nourrir les brebis du Maître.

Je l’ai déjà dit, il devint sain, tout à fait sain, et les journaux et gens d’église saluèrent son retour avec joie. J’assistai à l’un de ses offices. Le sermon était de même ordre que ceux qu’il avait prêchés jadis, avant son accès visionnaire. J’en fus désappointée et choquée. La correction infligée l’avait-elle réduit à la soumission ? Était-il donc lâche ? Avait-il abjuré par intimidation ? Ou bien la pression avait-elle été trop forte et s’était-il laissé écraser humblement par le char de Djaggernat de l’ordre établi ?

J’allai le voir dans sa magnifique demeure. Je le trouvai tristement changé, amaigri, le visage strié de rides que je n’y avais jamais vues. Il fut manifestement déconcerté par ma visite. Tout en parlant, il tirait nerveusement sur ses manches. Ses yeux inquiets se portaient de tous côtés pour éviter de rencontrer les miens. Son esprit semblait préoccupé ; sa conversation, coupée de pauses étranges, de brusques changements de sujets, manquait de suite au point d’être embarrassante. Était-ce bien l’homme ferme et calme que j’avais jadis comparé au Christ, avec ses yeux purs et limpides, son regard droit et exempt de défaillance comme son âme ? Il avait été manipulé par les hommes et maté par eux ; son esprit était trop doux. Il n’était pas assez fort pour tenir tête à la hurle organisée.