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pénétrer près de lui. Je fus tragiquement impressionnée par le destin de ce saint homme, absolument sain de corps et d’esprit, écrasé sous la volonté brutale de la société. Car l’évêque était un être normal autant que pur et noble. Comme le disait Ernest, sa seule faiblesse consistait dans ses notions erronées de biologie et de sociologie, par suite desquelles il s’y était mal pris pour remettre les choses en place.

Ce qui me terrifiait était l’impuissance de ce dignitaire de l’Église. S’il persistait à proclamer la vérité telle qu’il la voyait, il se trouvait condamné à l’internement perpétuel ; et cela sans recours. Ni sa fortune, ni sa situation, ni sa culture ne pouvaient le sauver. Ses vues constituaient un péril pour la société, et celle-ci ne pouvait concevoir que des conclusions si dangereuses pussent émaner d’un esprit sain. Du moins, telle me semblait l’attitude générale.

Mais l’évêque, en dépit de sa mansuétude et de sa pureté d’esprit, ne manquait pas de finesse. Il perçut clairement les dangers de sa situation. Il se vit pris dans une toile d’araignée, et essaya d’y échapper. Ne pouvant compter sur l’aide de ses amis, comme celle que Père, Ernest ou moi-même lui aurions volontiers prodiguée, il était réduit à mener la lutte avec ses propres ressources. Dans la solitude forcée de l’asile, il reprit possession de lui-même. Il recouvra la santé. Ses yeux cessèrent de contempler des visions ; sa cervelle se purgea de cette idée