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Ernest se surmena toute sa vie. Il n’était soutenu que par sa constitution robuste, qui pourtant n’abolissait pas la lassitude de son regard. Ses chers yeux fatigués ! Il ne dormait pas plus de quatre heures et demi par nuit ; et malgré cela il ne trouvait jamais le temps d’accomplir tout ce qu’il avait à faire. Pas un instant il n’interrompit son œuvre de propagande, et il était retenu longtemps à l’avance pour des conférences aux organisations ouvrières. Puis vint la campagne électorale où il se dépensa autant qu’il est humainement possible. La suppression des maisons d’éditions socialistes le priva de ses maigres droits d’auteur, et il eut beaucoup de peine à trouver de quoi vivre ; car, en sus de tous ses autres travaux, il devait gagner sa vie. Il faisait beaucoup de traductions, pour des revues scientifiques et philosophiques. Il rentrait tard la nuit, déjà épuisé par ses efforts dans la lutte électorale, pour s’absorber en ce travail, qu’il n’abandonnait guère avant le petit jour. Et, par-dessus tout, il y avait ses études. Il les poursuivit jusqu’à sa mort, et il étudiait prodigieusement.

Malgré tout cela, il trouvait le temps de m’aimer et de me rendre heureuse. Je m’y prêtai en fusionnant complètement ma vie avec la sienne. J’appris la sténographie et la dactylographie, et devins sa secrétaire. Il me disait souvent que j’avais réussi à l’alléger de la moitié de sa besogne, et je me remis volontairement