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L’être que tu chassas du jardin de délices,
C’était moi Seigneur ! J’étais là, banni.
Et quand s’écrouleront les vastes édifices
De la terre et du ciel, je serai là, béni,
Dans un monde à moi de beauté profonde,
Dans le monde où sont nos chères douleurs,
Depuis nos premiers cris d’enfants venant au monde
Jusqu’à nos soirs d’amour et nos nuits de désirs.

Mon sang généreux et tiède est une onde
Où bat le pouls d’un peuple incréé, mais réel ;
Toujours agité du désir d’un monde,
Il éteindrait les feux de ton enfer cruel.
Je suis l’homme ! humain par ma chair entière
Et par ma splendeur d’âme nue et fière,
Et depuis ma nuit tiède au giron maternel
Jusqu’au retour fécond de mon corps en poussière.
Ce monde, os de nos os et chair de notre chair,
Bondit à la cadence où nous jouons notre air,
Et de l’Éden maudit la soif inassouvie
Jusqu’en ses profondeurs bouleverse la vie.
Quand j’aurai vidé ma coupe de miel
De tous les rayons de son arc-en-ciel,
L’éternel repos d’une nuit sans trêve
Ne suffira pas à tarir mon rêve.

L’homme que tu chassas du jardin de délices,
C’était moi, Seigneur ! J’étais là, banni.
Et quand s’écrouleront les vastes édifices
De la terre et du ciel, je serai là, béni,
Dans un monde à moi, de forme idéale,
Dans le monde où sont nos plus chers plaisirs,
Depuis nos purs levers d’aurore boréale
Jusqu’à nos soirs d’amour et nos nuits de désirs[1].

  1. L’auteur de ce poème doit rester à jamais inconnu. Ce fragment est tout ce qui nous en est parvenu