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pitoyablement et incroyablement ratatinées, les trusts élargissaient leurs possessions dans des proportions non moins invraisemblables ; leurs entreprises s’étendaient à de nombreux champs nouveaux, — et toujours aux dépens de la classe moyenne.

Ainsi l’été de 1912 vit l’assassinat virtuel de la classe intermédiaire. Ernest lui-même fut étonné de la rapidité avec laquelle le coup de grâce lui avait été porté. Il hocha la tête d’un air de mauvais augure et vit venir sans illusion les élections d’automne.

— C’est inutile, disait-il, nous sommes battus d’avance. Le Talon de Fer est là. J’avais mis mon espoir en une victoire paisible, remportée grâce aux urnes. J’avais tort, et c’est Wickson qui avait raison. Nous allons être dépouillés des quelques libertés qui nous restent ; le Talon de Fer nous marchera sur la face ; il n’y a plus rien à attendre qu’une révolution sanglante de la classe laborieuse. Naturellement, nous aurons la victoire, mais je frémis de penser à ce qu’elle nous coûtera.

Dès lors Ernest épingla sa foi au drapeau de la révolution. Sur ce point il se trouvait en avant de son parti. Ses camarades socialistes ne pouvaient le suivre. Ils persistaient à croire que la victoire pouvait être gagnée aux élections. Ce n’est pas qu’ils fussent étourdis par les coups déjà reçus. Ils ne manquaient ni de sang-froid ni de courage. Ils étaient incrédules, voilà tout. Ernest ne par-