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— Vous préférez être des anachronismes, dit Ernest en riant, — c’est votre affaire. Vous préférez jouer les pères nobles. Vous êtes condamnés à disparaître comme tous les reliquats d’atavisme. Vous êtes-vous jamais demandé ce qui vous arrivera lorsque naîtront des combinaisons encore plus formidables que les sociétés actuelles ? Vous êtes-vous jamais préoccupés de ce que vous deviendrez lorsque les consortiums eux-mêmes se fusionneront dans le trust des trusts, dans une organisation à la fois sociale, économique et politique ?

Il se tourna inopinément vers M. Calvin :

— Dites-moi si je n’ai pas raison. Vous êtes forcé de former un nouveau parti politique parce que les vieux partis sont entre les mains des trusts. Ceux-ci constituent le principal obstacle à votre propagande agricole, à votre parti des Granges. Derrière chaque embarras que vous rencontrez, chaque coup qui vous frappe, chaque défaite que vous essuyez, il y a la main des Compagnies. N’est-ce pas vrai ?

M. Calvin se taisait, mal à l’aise.

— Si ce n’est pas vrai, dites-le moi, insista Ernest d’un ton encourageant.

— C’est vrai, avoua M. Calvin. Nous nous étions emparés de la législature d’État de l’Oregon et nous avions fait passer de superbes lois de protection ; mais le gouverneur, qui est une créature des trusts, y a opposé son veto. Par contre, au Colorado, nous avions élu un