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— Cependant vous vous faisiez concurrence les uns aux autres ? interrompit Ernest.

— Oui, et c’est ce qui maintenait les bénéfices à un faible niveau. Nous essayâmes de nous organiser, mais il y avait toujours des crémiers indépendants qui perçaient à travers nos lignes. Puis vint le Trust du Lait.

— Financé par le capital en excédent de la Standard Oil[1], dit Ernest.

— C’est juste, reconnut M. Calvin. Mais nous l’ignorions à cette époque. Ses agents nous abordèrent la massue à la main. Ils nous posèrent ce dilemme : entrer et nous engraisser, ou rester dehors et dépérir. La plupart d’entre nous entrèrent dans le Trust, et les autres crevèrent de faim. Oh ! ça paya… d’abord. Le lait fut augmenté d’un cent par litre et un quart de ce cent nous revenait : les autres trois quarts allaient au Trust. Puis le lait fut augmenté d’un autre cent, mais sur celui-ci il ne nous revint rien du tout. Nos plaintes furent inutiles. Le Trust s’était établi en maître. Nous nous aperçûmes que nous étions de simples pions sur l’échiquier. Et finalement le quart de cent additionnel nous fut retiré. Puis le Trust commença à nous serrer la vis. Que pouvions-nous faire ? Nous fûmes pressurés. Il n’y avait pas de crémiers, il ne restait qu’un Trust du Lait.

  1. Le premier grand trust qui ait réussi, près d’une génération en avance des autres.