Page:London - Le Talon de fer, trad. Postif.djvu/129

Cette page a été validée par deux contributeurs.

retenir ses pieds au sol. Il vole vers son jardin des oliviers, et ensuite vers son calvaire. Car des âmes si nobles sont faites pour la crucifixion.

— Et vous ? demandai-je avec un sourire qui cachait la sérieuse anxiété de mon amour.

— Moi pas ! répondit-il en riant aussi. Je puis être exécuté ou assassiné, mais je ne serai jamais crucifié. Je suis planté trop solidement et trop obstinément sur terre.

— Mais pourquoi préparer la mise en croix de l’évêque ? Car vous ne nierez pas que vous en êtes cause.

— Pourquoi laisserais-je une âme à l’aise dans le luxe tandis qu’il y en a des millions dans le travail et dans la misère ?

— Alors pourquoi conseillez-vous à Père d’accepter son congé ?

— Parce que je ne suis pas une âme pure et enthousiaste. Parce que je suis solide et obstiné et égoïste. Parce que je vous aime et dis comme jadis Ruth : « Ton peuple est mon peuple. » Quant à l’évêque, il n’a pas de fille. En outre, si minime que soit le résultat, si faible et insuffisant que se manifeste son vagissement, il produira quelque bien pour la révolution, et tous les petits morceaux comptent.

Il m’était impossible d’être de cet avis. Je connaissais bien la noble nature de l’évêque Morehouse, et je ne pouvais m’imaginer que sa voix, s’élevant en faveur de la justice, ne serait qu’un vagissement débile et impuissant. Je ne