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des terribles persécutions qu’ils pourraient infliger à un professeur dont la vie dépendrait de l’Université. Mais la mienne n’en dépend pas. Ce n’est pas pour le traitement que je suis entré dans l’enseignement. Je puis vivre à l’aise avec mes propres revenus, et mon traitement est tout ce qu’ils peuvent m’ôter.

— Vous ne voyez pas les choses d’assez loin, répondit Ernest. — Si tout ce que je crains se réalise, vos revenus privés et même votre capital peuvent vous être enlevés aussi facilement que votre traitement.

Pendant quelques minutes, Père garda le silence. Il réfléchissait profondément, et je vis une ride de décision se creuser sur son front. Enfin il reprit d’un ton ferme :

— Je n’accepterai pas ce congé. — Il fit une nouvelle pause. — Je continuerai à écrire mon livre[1]. Il se peut que vous vous trompiez. Mais, que vous ayez tort ou raison, je resterai à mon poste.

  1. Ce livre, Économie et Éducation, fut publié dans le courant de l’année. Il en subsiste trois exemplaires, deux à Ardis et un à Asgard. Il traitait en détail de l’un des facteurs de conservation de l’ordre établi, à savoir le biais capitaliste pris par les universités et les écoles ordinaires. C’était un acte d’accusation logique et écrasant porté contre tout un système d’éducation qui ne développait dans l’esprit des étudiants que les idées favorables au régime, à l’exclusion de toute idée adverse et subversive. Le livre fit sensation, et fut promptement supprimé par l’oligarchie.