Page:London - Le Talon de fer, trad. Postif.djvu/109

Cette page a été validée par deux contributeurs.

accusation est fausse. Je vous ai fait remarquer la condition désespérée de l’homme moderne, — trois millions d’enfants esclaves aux États-Unis, sans le travail desquels tout bénéfice serait impossible, et quinze millions de gens mal nourris, mal vêtus et encore plus mal logés. — Je vous ai fait observer que, grâce à l’organisation sociale et à l’emploi des machines, le pouvoir producteur du civilisé actuel est mille fois plus grand que celui du sauvage habitant des cavernes. Et j’ai affirmé que de ce double fait on ne pouvait tirer d’autre conclusion que la mauvaise gestion de la classe capitaliste. Telle a été mon imputation, et nettement et à plusieurs reprises, je vous ai défié d’y répondre. Je suis allé plus loin, je vous ai prédit que vous ne répondriez pas. Vous auriez pu employer votre souffle à démentir ma prophétie. Vous avez traité mon discours d’erreur. Montrez-m’en la fausseté, colonel Van Gilbert. Répondez à l’inculpation que moi et mes quinze cent mille camarades avons lancée contre votre classe et vous. »

Le colonel oublia complètement que son rôle de président lui commandait de laisser courtoisement la parole à ceux qui la réclamaient. Il se dressa d’un bond, jetant à tous les vents ses bras, sa rhétorique et son sang-froid ; tour à tour il malmenait Ernest pour sa jeunesse et sa démagogie, puis attaquait sauvagement la classe ouvrière, qu’il essayait de présenter comme dénuée de toute capacité et de toute valeur.