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« Vous avez échoué dans votre gérance. Vous avez fait de la civilisation un étal de boucher. Vous vous êtes montrés avides et aveugles. Vous avez eu, et vous avez encore aujourd’hui, l’audace de vous lever dans nos chambres législatives et de déclarer qu’il serait impossible de faire des bénéfices sans le travail des enfants, des bébés ! Oh ! ne m’en croyez pas sur parole : tout cela est écrit, enregistré contre vous. Vous avez endormi votre conscience avec des bavardages sur votre bel idéal et votre chère morale. Vous voilà engraissés de puissance et de richesse, enivrés de succès. Eh bien ! contre nous, vous n’avez pas plus de chance que les frelons réunis autour des ruches, quand les abeilles travailleuses s’élancent pour mettre fin à leur existence repue. Vous avez échoué dans votre direction de la société, et votre direction va vous être enlevée. Quinze cent mille hommes de la classe ouvrière se font fort de gagner à leur cause le reste de la masse laborieuse et de vous ravir la domination du monde. C’est cela la révolution, mes maîtres. Arrêtez-la si vous en êtes capables ! »

Pendant un laps de temps appréciable, l’écho de sa voix résonna dans la grande salle. Puis s’enfla le profond grondement déjà entendu et une douzaine d’hommes se levèrent en hurlant et gesticulant pour attirer l’attention du président. Je remarquai que les épaules de Mlle Brentwood s’agitaient d’une façon convulsive, et j’en éprouvai un instant d’irritation, croyant qu’elle