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pour écraser et déchirer ses exploiteurs. Je saisis dans l’auditoire un mouvement de recul presque imperceptible devant cette figure de la révolution, concrète, puissante et menaçante. Du moins les femmes se contractèrent et la crainte parut sur leurs visages. Il n’en fut pas de même chez les hommes. Ceux-ci appartenaient à l’ordre, non pas des riches désœuvrés, mais des actifs, des batailleurs. Un grondement profond roula dans leurs gorges, fit vibrer l’air un instant, puis s’apaisa. C’était le prodrome de la hurle, et je devais l’entendre plusieurs fois ce soir-là, — la manifestation de la brute s’éveillant dans l’homme, ou de l’homme dans toute la sincérité de ses passions primitives. Et ce bruit, ils n’avaient pas conscience de l’avoir produit. C’était le grondement de la horde, expression de son instinct et sa démonstration réflexe. Dans ce moment, en voyant leurs faces se durcir et l’éclair de la lutte briller dans leurs yeux, je compris que ces gens-là ne se laisseraient pas facilement arracher la maîtrise du monde.

Ernest poursuivit son attaque. Il expliqua l’existence de quinze cent mille révolutionnaires aux États-Unis, en accusant la classe capitaliste d’avoir mal gouverné la société. Après avoir esquissé la situation économique des hommes des cavernes et des peuples sauvages de nos jours, qui n’avaient ni outils ni machines et ne possédaient que leurs moyens naturels