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JACK LONDON

Au-dessus de moi, le ciel est d’un bleu admirable. Et tout aussi bleue est la mer qui, sous l’étrave qui la déchire, est pareille à un satin azuré, resplendissant. Tout autour de nous, l’horizon est légèrement pâle. Quelques nuages floconneux, immobiles et toujours semblables à eux-mêmes, sont comme un enchâssement argenté dans ce ciel de turquoise.

Je me souviens d’une nuit où, au lieu de m’endormir dans ma couchette, je m’étais allongé sur l’avant, pour regarder, au-dessous de moi, le spectral tourbillon d’écume que rejetait, de droite et de gauche, l’étrave du Fantôme.

Le bruit de l’eau était pareil au gazouillis d’un ruisselet sur des pierres moussues, au fond d’un vallon vert, et la douce et monotone chanson m’emportait loin, bien loin de moi-même.

Je n’étais plus Hump le mousse, ni Van Weyden, qui avait passé trente-cinq ans de sa vie à rêver parmi les livres, mais un personnage quasiment irréel, quand j’entendis derrière moi une voix qui parlait.

C’était, sans erreur possible, celle de Loup Larsen, pleine, forte et large, mais dont le timbre était singulièrement adouci. Elle déclamait :

Nuit tropicale et caressante,
Où, sur la mer, bondissant,
Notre navire au front puissant
Trace une frange éblouissante

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