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JACK LONDON

mêmes proportions, au bout de quelques générations ils formeraient tout un peuple !

« La vie ? Elle n’a aucune valeur. Rien n’est meilleur marché ici-bas. Et, si elle ne se dévorait pas elle-même, jusqu’à ce que les plus forts subsistent seuls, il n’y aurait pas, sur notre globe, assez de terre et d’eau pour la contenir.

— Je vois que vous avez lu Darwin. Mais êtes-vous sûr de l’avoir bien compris ? Vous faites erreur lorsque vous en concluez que cette lutte pour l’existence autorise votre volonté de la supprimer.

— Il y a plus de matelots qu’il n’y a de places pour eux sur les bateaux. Il y a plus d’ouvriers que d’usines pour les employer, que de machines où les utiliser. Vous qui êtes un terrien, vous n’ignorez pas que les bas quartiers de vos villes regorgent de pauvres diables, sur lesquels, pour vous débarrasser, j’imagine, vous lâchez la peste et la famine. Mais il en reste encore trop qui ne trouvent même pas une croûte de pain, ni un morceau de viande. Connaissez-vous Londres ? Avez-vous vu les dockers lutter comme des fauves pour obtenir du travail ?

Loup Larsen se dirigea vers l’escalier, pour remonter sur le pont.

— Un mot encore, dit-il, pour terminer. La seule valeur qu’ait la vie est celle qu’elle s’attribue à elle-même. Et, naturellement, elle se surestime.

« Prenez l’exemple de cet homme qui était,

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