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JACK LONDON

— C’est comme ça et pas autrement. L’homme est à moi. J’en ferai de la soupe si ça me fait plaisir, et je mangerai la soupe !

Une lueur de colère passa dans les yeux du chasseur de phoques. Mais il tourna le dos à Loup Larsen et alla s’asseoir sous un capot, le nez en l’air.

L’équipage entier était sur le pont, et tous les regards étaient levés vers cette vie humaine, si tragiquement aux prises avec la mort. Et il y avait, comme toujours, chez la plupart de ces hommes, plus de curiosité que d’émotion vraie. Si Standish avait protesté, c’est qu’il craignait de perdre son rameur. Sinon, il serait resté indifférent.

Dix bonnes minutes se passèrent, en dépit des exhortations de Johansen, avant qu’Harrison se décide à se remettre en mouvement.

Il atteignit, finalement, l’extrémité de la corne et, à cheval sur elle, dégagea la voile. Il n’avait plus, ensuite, qu’à se laisser glisser le long des drisses et à redescendre sur le pont.

Mais il était à bout de nerfs et la descente lui apparaissait comme plus redoutable encore que la montée. Si précaire et incertaine que soit sa position actuelle, il la préférait à une culbute dans le vide. Vainement Johansen lui criait de prendre courage. Il était complètement désemparé par la peur.

— Hé, toi, là-bas ! jeta tout à coup Loup Larsen à l’homme de barre. Tu ne tiens pas ton cap… Attention ! Ou il va t’arriver des histoires.

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