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JACK LONDON

— Bien, capitaine… répondit Johansen, soudain calmé.

Entre-temps, Harrison avait entamé sa dangereuse ascension. De la porte de la cuisine, je le suivais des yeux et, malgré la distance, je le voyais trembler comme une feuille. Il avançait avec lenteur et prudence, centimètre par centimètre. Se profilant sur la clarté bleue du ciel, il ressemblait, dans les cordages, à une grosse araignée occupée à tisser sa toile.

Il grimpait presque à pic. Des drisses qui, à l’aide de plusieurs poulies, se tendaient sur la corne et sur le mât lui fournissaient des appuis successifs, pour les mains et pour les pieds.

Comme Harrison était à la moitié de sa course, le Fantôme plongea profondément entre deux vagues. L’homme cessa de grimper et se cramponna aux manœuvres, de toute son énergie. Du pont, je distinguais sa figure qui se crispait sous la douloureuse tension de tous ses muscles.

À ce moment, la grande voile faseya, avec un bruit pareil à la détonation d’un canon, et les trois rangées de garcettes crépitèrent contre la toile, comme une décharge de balles.

Harrison avait repris son ascension vertigineuse, lorsque le vent tomba. La voile se vida, drisses et écoutes se détendirent, en une brusque secousse, et, d’une main d’abord, l’homme perdit prise. L’autre main résista désespérément, puis lâcha à son tour.

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