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La suite se déroula avec une inconcevable rapidité. Le brouillard s’ouvrit, comme sous l’action d’un coin, et l’avant d’un grand navire en émergea, traînant autour de lui des lambeaux de brume, pareils à des algues sur le museau de Léviathan.

Je vis distinctement un homme à barbe blanche, accoudé au balcon de la cabine du pilote. Il était vêtu d’un uniforme bleu impeccable ; son élégance et son calme m’avaient frappé, je m’en souviens.

Ce calme avait, en l’occurrence, quelque chose de vraiment terrible. L’homme acceptait la Destinée à laquelle il liait son propre sort et, avec un flegme parfait, il semblait vouloir déterminer le point précis de l’inévitable collision.

Il ne prêta aucune attention à notre pilote, blême de terreur, qui lui hurla :

— Tu peux être content de toi !

Cette remarque n’exigeait pas de réponse, d’ailleurs la trogne rouge me cria, presque en même temps :

— Empoignez ce que vous pourrez et cramponnez-vous !

Il ne plaisantait plus et il était, lui aussi, devenu étonnamment calme. Il ajouta, avec une sorte d’amertume, et comme s’il savait déjà tout ce qui allait suivre :

— Vous entendrez bientôt les femmes crier…

Presque immédiatement, le choc eut lieu. Le Martinez reçut le coup par le travers. Je le suppose