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JACK LONDON

mille années, avant de descendre finalement en Enfer !

Johnson, le matelot Scandinave qui, à mon arrivée sur la goélette, m’avait frictionné jusqu’au sang, semblait, exception faite de Louis, le moins équivoque de tous les hommes du bord. Il donnait une impression d’honnêteté et de modestie, qui le rendait sympathique. Mais sa réserve n’était pas de la timidité et le courage, à l’occasion, ne lui manquait pas.

Louis formula, à son sujet, un jugement sûr et prophétique.

— C’est un bon bougre ; ce Johnson, avec sa tête carrée, est le meilleur matelot à bord. Mais, aussi vrai que les alouettes sont créées pour voler au ciel, il s’attirera sûrement des ennuis, avec Loup Larsen.

« Je vois le nuage grossir et s’accumuler… Je lui ai parlé en frère, pour l’avertir. Il ne sait pas tenir sa langue, il faut qu’il donne son opinion sur tout, comme s’il était chez lui. Il y aura bien un mouchard pour rapporter à Loup Larsen des propos désobligeants qui ne lui plairont pas.

« Le Loup est fort, et les loups n’aiment pas la force qui se manifeste chez les autres devant lui. Johnson ne fait pas le chien couchant et, après une injure ou un coup reçu, il ne répond pas : « Oui, capitaine… Merci bien, capitaine… » L’orage menace ! Il approche ! approche !

« Cette tête dure ne supporte pas qu’on l’appelle

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