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JACK LONDON

C’est ainsi que, pendant l’après-midi, le coq étant allé dormir, il est entré dans la cuisine, pour tailler une bavette pendant que j’épluchais mes éternelles pommes de terre.

Il m’assura que, s’il se trouvait à bord du Fantôme, c’est qu’il était ivre quand il signa son engagement. Jamais, dans son état normal, il n’aurait commis une bêtise pareille.

Depuis douze ans, il a pris part, régulièrement, aux campagnes habituelles de la pêche aux phoques. Il est, m’a-t-il dit, un des meilleurs timoniers connus à San Francisco.

— Ah ! mon pauvre vieux, s’est-il écrié en secouant tristement la tête, tu as eu une fichue idée d’embarquer sur ce bateau ! Sur d’autres, la vie à bord est un paradis.

« Ce n’est pas le cas ici, fichtre non ! Le second est déjà au fond de l’eau. Mais d’autres que lui, crois-moi, casseront leur pipe avant la fin du voyage.

« Parlons bas, et garde pour toi ce que je vais te dire. Ce Loup Larsen est un vrai démon et le Fantôme, depuis qu’il lui appartient, est un bateau d’enfer.

« Et ce ne sont pas des paroles en l’air, je te l’assure. Je sais ce que je dis. J’étais, y a deux ans de ça, à Hakodaté. Loup Larsen s’est bagarré avec quatre de ses hommes, et il les a descendus. Oui, parfaitement. J’étais à bord de l’Emma-L., à moins de trois cents mètres.

« La même année, il a abattu un autre homme

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