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LE LOUP DES MERS

suis convaincu, n’a jamais pu lire un peu profondément dans l’âme énigmatique de Loup Larsen. C’était une âme solitaire, qui ne laissait jamais tomber complètement son masque. À peine, par moments, s’amusait-elle à le soulever un peu.

— L’immortalité, répondis-je, je la lis dans vos yeux…

Étant donné le tour intime que prenait la conversation, j’avais négligé volontairement, cette fois, le fatidique « capitaine ».

Effectivement, Loup Larsen ne releva pas mon omission. Il reprit :

— Vous lisez la vie dans mes yeux. Mais rien ne prouve que cette vie soit immortelle.

Je ripostai :

— À mon sens, tout le prouve au contraire ! Ma pensée va plus loin que cette vie…

Il détourna la tête et promena son regard sur la mer, qui était morne et désolée. Une vague tristesse se refléta dans ses prunelles, son front devint grave et ses lèvres se durcirent.

Puis, brusquement, revenant vers moi :

— Vous prétendez alors que je suis immortel… Et pourquoi le serais-je ? À quelle fin ?

Répondre à cette question comme il convenait était assez embarrassant. Comment lui expliquer que cette conviction de l’immortalité de l’âme était en moi une intuition intime, inexprimable, quelque chose comme ces douces musiques que nous entendons parfois dans notre sommeil et

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