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JACK LONDON

Je lui racontai les choses telles qu’elles s’étaient passées. Je lui dis que mes vêtements étaient restés à sécher à la cuisine et comment, après m’être aperçu du vol, j’avais failli être frappé par le coq.

Loup Larsen sourit à mon récit.

— Ce sont les petits profits du cuisinier, dit-il. Ça n’est pas payer trop cher la nouvelle existence qui est la vôtre, non ? D’ailleurs, ce sera pour vous une leçon. Elle vous apprendra à veiller sur votre argent. Jusqu’ici, je suppose, c’était votre notaire ou votre homme d’affaires qui s’en chargeait.

Je sentais, sous la modération de ses paroles, une ironie gouailleuse. J’insistai néanmoins et demandai :

— Comment puis-je rentrer en possession de ce qui m’appartient ?

— Ça vous regarde. Vous voulez un bon conseil ? Quand vous posséderez un dollar, veillez jalousement sur lui. Celui qui laisse traîner son argent mérite qu’il lui soit pris.

« Vous êtes d’ailleurs doublement dans votre tort. Vous avez tenté le cuistot. C’est mal. Par votre faute, il a succombé à la tentation et mis en péril son âme immortelle… À propos, vous y croyez, vous, à l’immortalité de l’âme ?

Il laissa tomber ces mots d’une voix nonchalante. Il me sembla que cette âme close s’entrouvrait soudain devant moi.

Mais ce n’était qu’une illusion. Personne, j’en

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