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différents appels de sirènes. Son visage rayonnait, ses yeux semblaient lancer des éclairs.

— En voilà un qui a un crapaud dans la gorge ! Je parie que c’est une goélette à moteur, qui navigue à contre-marée. Et elle n’en peut plus !

Puis ce fut le tour d’un petit sifflet strident, qui semblait pris de folie, et qui fusa tout près de nous. Les gongs puissants du Martinez retentirent. Ses roues à aubes s’arrêtèrent et les pulsations de la machine s’éteignirent, pour reprendre au bout d’un instant.

Le petit sifflet, aussi digne et faible qu’un cri de grillon parmi les rugissements d’une ménagerie, s’était rapidement éloigné et se perdit dans le brouillard.

— Un canot automobile, m’expliqua complaisamment la trogne rouge. Des vrais dingues. Faut faire drôlement gaffe. Ils foncent, sans s’occuper de rien. Ils sifflent à tue-tête, et tout le monde doit se garer, pour leur faire place ! La vitesse, pour eux, tout est là. Si on l’avait coulé, c’était bien fait pour sa pomme.

Je m’amusais beaucoup de cette colère, qui me semblait un peu exagérée. Puis l’homme se remit à faire les cent pas sur le pont et je retombai dans ma rêverie.

Le mystère de ce brouillard qui, pareil à une ombre insondable, enveloppait à cette heure notre planète, absorbait toutes mes pensées. Et j’admirais ces humains, simples atomes de lumière,