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Jack London

heurtai durement à divers obstacles. Je reçus notamment un coup violent au genou droit. Après quoi, le niveau de l’eau parut soudain baisser et, de nouveau, je respirai l’air pur.

Je me relevai tant bien que mal. Mais mon genou me faisait terriblement souffrir et je n’osais m’y appuyer de tout mon poids. Sans aucun doute, j’avais la jambe cassée.

Je n’avais pas encore repris complètement mes esprits que déjà le cuisinier avait reparu à la porte de son antre et me hurlait :

— Eh bien, quoi, espèce d’andouille ? Tu ne vas pas rester là jusqu’à demain, non ? Où est la théière ? Tu l’as laissée partir par-dessus bord… Si tu t’étais cassé le cou, tu l’aurais pas volé.

La grosse théière était toujours dans ma main et je ne l’avais pas lâchée. Mais elle était vide. Je boitai jusqu’à la cuisine et la donnai au coq, qui flamba d’une indignation feinte ou réelle.

— Non, mais à quoi t’es bon, abruti ? Je voudrais bien le savoir ! Oui, à quoi t’es bon. Pas même foutu de porter une théière sans la renverser… Va falloir que je refasse bouillir de l’eau.

Comme je faisais une grimace de douleur le coq réitéra, avec une fureur redoublée :

— Tu chiales, à présent ? Parce que tu t’es fait mal à ta pauvre petite jambe, pauvre petit chéri à sa mémère !

Non, je ne pleurais pas. Mais je serrai les dents et fis appel à toute mon énergie pour reprendre

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