Page:London - Le Loup des mers, 1974.djvu/49

Cette page a été validée par deux contributeurs.
Jack London

En dehors de l’entretien de la cabine du capitaine, je devais aider le coq dans sa cuisine.

Mon ignorance complète dans l’art d’éplucher les pommes de terre et de laver la vaisselle fut, pour lui, une source intarissable de sarcasmes. Il se refusait à tenir le moindre compte de ce que j’étais hier et de mes capacités, qui étaient tout autres. S’il m’avait été, dès les premiers instants, simplement antipathique, avant la fin de cette même journée je l’avais pris en haine, comme jamais, jusque-là, je n’avais haï personne.

L’état agité de la mer me rendit ce premier jour plus pénible encore. La goélette, qui naviguait « tout ris pris » — terme que je ne devais, parmi tant d’autres, apprendre que plus tard — n’arrêtait pas de plonger car, aux dires de Mugridge, il faisait une « foutue brise ».

À cinq heures et demie, sous la direction de mon mentor, je mis la table dans le carré où s’ouvraient la cabine du capitaine et celle du second, et qui servait de salle à manger à Loup Larsen et aux chasseurs de phoques. Puis je retournai à la cuisine chercher le thé et les vivres.

Ce qui se passa ensuite, je ne suis pas près de l’oublier.

— Fais gaffe, si tu ne veux pas recevoir une douche ! me recommanda Mugridge, comme je quittais la cuisine avec une grosse théière dans une main et, dans le creux de l’autre bras, plusieurs pains.

50