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Jack London

de mer et tout le monde, sur le pont, eut de l’eau jusqu’aux genoux.

En même temps, une violente averse s’abattit sur nous ; chaque goutte nous cinglait comme un grêlon.

Puis le grain s’apaisa un peu et Loup Larsen se mit à parler devant les têtes nues, ballottées selon les oscillations du navire. Je n’entendis distinctement, au milieu du vacarme ambiant de la mer et du vent, que la péroraison, où il était dit : « Et le corps sera jeté à la mer… »

— Eh bien, jetez-le ! conclut Loup Larsen.

Puis il se tut.

Les deux matelots qui étaient à portée de la lisse ne comprirent sans doute pas que la cérémonie était terminée et ne bougèrent pas.

— Ouvrez donc, nom de Dieu ! cria, furieux, Loup Larsen. Qu’est-ce que vous attendez ?

Les deux matelots obéirent précipitamment et, tel un chien qu’on jette à l’eau, le cadavre fila vers la mer, où il disparut en un instant, entraîné par le sac de charbon.

— Johansen ! commanda Loup Larsen, fais amener la grande flèche, le petit foc et le clinfoc, et en vitesse ! La bourrasque va redoubler… Et pendant que tu y seras, tu feras bien de prendre un ou deux ris dans les grandes voiles.

Ce fut alors, sur le pont, un remue-ménage général. Johansen, tout fier de ses nouvelles fonctions, beuglait ses ordres, et les matelots

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