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Jack London

que tout est réglé, nous allons procéder aux funérailles du mort et en débarrasser le pont, qu’il encombre.

Deux matelots, sur l’ordre de Loup Larsen, prirent le cadavre, solidement cousu dans sa toile, et le portèrent jusqu’à la porte qui s’ouvrait dans un des pavois. Ils le placèrent devant, les pieds tournés vers la mer, et on attacha aux chevilles le sac de charbon qu’avait été chercher le cuisinier.

Un service funèbre, sur mer, devait être, dans mon imagination, empreint d’une majestueuse et effrayante solennité. Ma déception fut complète.

Tous les matelots s’étaient réunis à l’arrière, en faisant grand bruit. Ceux qui dormaient à l’intérieur du bateau, et que Johansen avait été réveiller dans leurs couchettes, bâillaient et se frottaient les yeux. Ils jetaient à la dérobée, vers Loup Larsen, des regards empreints de plus de crainte que d’affection.

Dans le groupe des chasseurs de phoques, un petit homme aux yeux noirs, que ses compagnons appelaient « Smoke », racontait des blagues, avec accompagnement de jurons et d’obscénités. Tout le groupe riait, à se tenir les côtes, et ces rires sonnaient à mon oreille, pareils à un chœur de loups ou à l’aboi des chiens de l’enfer.

Loup Larsen alla vers le mort et toutes les têtes se découvrirent.

Il y avait là, en tout, vingt personnes. Vingt-deux en me comptant, et en comptant l’homme

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