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JACK LONDON

Il secoua la tête, en tordant sa bouche pour grimacer un sourire. Ce sourire était vraiment atroce, car les muscles droits de sa face ne jouaient plus. Seule, la moitié de la bouche s’écartait et se contractait à la fois.

— C’est le dernier acte pour Loup Larsen, fit-il. Je suis paralysé… Enfin, seulement de ce côté-ci, ajouta-t-il, comme s’il devinait le coup d’œil méfiant que je jetai sur sa jambe gauche qu’il avait repliée ; son genou soulevait les couvertures.

— Dommage, reprit-il. J’aurais voulu vous tuer, Hump. Je pensais en avoir encore la force.

— Mais pourquoi ? demandai-je avec un mélange de curiosité et d’horreur.

Le rictus de sa bouche se dessina de nouveau et il me répondit :

— Oh !… Simplement pour vivre et agir encore, pour être, jusqu’au bout, le plus gros morceau de ferment et être le plus fort. Mais mourir de cette façon…

Il essaya de hausser les épaules ; seule, la gauche se souleva légèrement.

— Qu’est-ce qui vous fait croire que vous allez mourir ? demandai-je.

— Ce sont ces terribles maux de tête. Je crois avoir un cancer, ou une tumeur au cerveau, qui attaque et dévore mes cellules. Et pourtant je reste parfaitement lucide. Je ne vois plus et j’entends à peine. Le sens du toucher va bientôt me manquer à son tour. Puis je cesserai de parler…

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