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LE LOUP DES MERS

terreur me contracta l’estomac. Mes lèvres se desséchèrent et je dus, pour retrouver mon équilibre, m’appuyer sur un capot qui se trouvait là.

Nous nous regardions sans dire un mot. Il y avait, dans notre silence et dans notre mutuelle immobilité, quelque chose de sinistre.

L’initiative appartenait à l’un de nous deux. Et elle serait évidemment à l’avantage de celui qui la risquerait le premier. Mais je ne l’osais pas.

Je me retrouvais dans la même situation qu’en face du gros phoque, que je voulais assommer, sans pouvoir m’y décider, et que je souhaitais voir fuir.

Finalement, je rassemblais tout mon courage et mis en joue Loup Larsen, avec mon fusil.

S’il avait fait le moindre mouvement, ou essayé même de redescendre l’escalier, je l’aurais tué. Mais il continuait à ne pas bouger et à me regarder fixement.

Alors que je l’observais, mon fusil dans mes mains tremblantes, je remarquai l’air fatigué, et presque hagard, de son visage.

On aurait dit qu’une longue angoisse l’avait usé. Les joues étaient creuses, les paupières battues et plissées. L’expression des yeux, et leur aspect même, étaient singuliers. Ils semblaient comme déviés de leurs orbites.

Mille pensées hétéroclites se bousculaient dans mon cerveau surexcité, et je demeurais incapable d’appuyer sur la détente de mon fusil.

J’abaissai mon arme et fis quelques pas vers

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