Le jeune garçon se transforma, soudain, en bête sauvage. Son corps se ramassa, comme pour bondir, tandis qu’il grognait :
— Vous êtes un…
— Un quoi ? demanda Loup Larsen, avec une douceur insinuante dans la voix, comme s’il avait été prodigieusement curieux de connaître le mot qui était resté en suspens.
L’autre parut hésiter, puis parvint à se dominer.
— Rien, capitaine… Je retire ce que j’ai dit.
— À la bonne heure ! Tu vois, j’ai deviné juste sur ton compte. Quel âge as-tu ?
— Je viens d’avoir seize ans, capitaine.
— Tu mens. Il y a belle lurette que tu as passé dix-huit ! Fort pour ton âge, je reconnais, et des muscles comme un cheval. Bon, ramasse tes hardes et file au poste d’avant. Te voilà, désormais, promu à la manœuvre et aux soins des canots. Ça colle, hein ?
Sans attendre l’assentiment du jeune garçon, Loup Larsen se tourna vers le matelot qui venait d’achever sa tâche funèbre ; la toile qui contenait le cadavre était entièrement cousue.
— Johansen, que sais-tu en matière de navigation ?
— Rien du tout, capitaine.
— Aucune importance. Je te nomme second. Prends ton sac, et porte-le près de ma cabine, sous la couchette du second.