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JACK LONDON

En dépit de ses efforts pour me cacher son découragement, résultat fatal du désappointement auquel elle m’avait préparé la première, je l’entendis, pendant que je rallumais un second feu, étouffer des sanglots, sous les couvertures dont elle s’était enveloppée.

Je m’efforçai de lui remonter le moral et réussis à ramener le sourire dans ses yeux tristes.

Elle dîna d’assez bon appétit, et pour me montrer qu’elle était toujours vaillante, elle chanta.

C’était la première fois que j’entendais les modulations de sa voix, qui manquait de force, mais était harmonieuse et captivante, avec ce sens artistique extrême qui était inné chez elle.

Longtemps je restai éveillé, tandis que s’allumaient au ciel les étoiles. Je retournai en tous sens la situation qui était loin d’être réjouissante. Et je songeai à l’être fragile dont le salut m’était devenu le plus grave des devoirs.

Une responsabilité de cet ordre était une chose nouvelle pour moi, Loup Larsen avait cent fois raison. Sans mon père, qu’est-ce que j’étais ? Mes hommes d’affaires s’étaient toujours occupés de mon argent. Puis j’avais appris, à bord du Fantôme, à prendre mes propres responsabilités. Et, pour la première fois de ma vie, je me trouvais à présent face à de nouveaux devoirs envers cette femme unique au monde et que j’aimais.

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