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JACK LONDON

complète et s’effraye, pour la première fois de sa vie.

« Le coup de couteau que je lui ai porté n’en est pas la cause, car la blessure n’est que superficielle.

— C’est avant le coup, en effet, observa Maud, qu’il m’a lâchée brusquement et s’est écarté de moi, en titubant. Qu’allons-nous faire ?

— Je vous le dirai bientôt. Veuillez m’attendre un instant.

Je montai sur le pont et allai vers le gros Louis, qui était à la roue.

— Je prendrai la barre, lui dis-je. Va te coucher.

Il obéit prestement et regagna le poste d’avant, où tout l’équipage dormait à présent, ivre mort.

Resté seul sur le pont du Fantôme, je ralentis sa marche, en repliant autant de toile qu’il me fut possible.

Puis je redescendis vers Loup Larsen, que je retrouvai toujours dans le même état, la tête ballante et le corps tordu par la souffrance.

— Vous n’avez besoin de rien ? lui demandai-je.

Tout d’abord il ne me répondit pas et, comme je réitérais ma question, il articula avec peine :

— Non, ça va. Laissez-moi jusqu’à demain matin.

Je sortis, en refermant la porte derrière moi, et allai retrouver Maud Brewster. Avec un frisson de joie, je remarquai le port majestueux de sa tête ; dans ses yeux magnifiques, brillait une lueur de sérénité.

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