— Comment gagnez-vous votre vie ?
C’était la première fois qu’une pareille question m’était posée. Pris au dépourvu, je répliquai, assez sottement, je l’avoue.
— Je… Je suis un gentleman.
Je vis la lèvre de Loup Larsen se retrousser dans un ricanement méprisant.
— Mais j’ai toujours travaillé et je travaille encore… m’écriai-je avec impétuosité, comme si j’avais été en présence d’un juge devant qui j’aurais eu à me disculper.
Je me rendis compte, en même temps, que c’était stupide de vouloir discuter avec lui.
— Travaillé pour gagner votre vie, je pense ? reprit la voix sévère et impérative, qui me faisait trembler comme un enfant terrorisé par son professeur.
Il y eut un silence.
— Sinon, qui vous nourrit ?
— Je possède des revenus suffisants, répondis-je avec assurance.
À peine eus-je parlé que je me mordis la langue, en voyant les sourcils de mon interlocuteur se froncer.
— Je vous demande pardon, capitaine, repris-je, mais cette question n’a rien à voir, pour l’instant, avec ce que j’ai à vous dire.
Loup Larsen fit semblant de ne pas avoir entendu.
— Et qui vous les a gagnés, ces revenus ? conti-