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Le Loup des mers

plaisanterie que je n’entendis pas ; mais tous s’esclaffèrent.

Loup Larsen posa la même question à plusieurs matelots. Mais Bibles et livres de prières étaient des articles rares à bord de la goélette. Un des matelots offrit d’aller voir, au poste de l’équipage, s’il ne trouverait rien. Mais il revint, deux minutes après, les mains vides.

Loup Larsen haussa les épaules.

— Dans ce cas, dit-il, nous allons, sans autres discours, le passer par-dessus bord… À moins que le type qu’on a repêché, qui a une tête de pasteur, ne connaisse l’Office des morts en mer.

Ce disant, il s’était retourné vers moi et me faisait face.

— Vous êtes pasteur, n’est-ce pas ?

Les regards des six chasseurs de phoques convergèrent vers moi. J’avais conscience de ressembler, dans mon accoutrement improvisé, à un guignol. J’étais, je le savais, parfaitement ridicule.

Un grand rire s’éleva parmi les six hommes, un rire grossier et malséant, réaction naturelle de la part de gens grossiers eux-mêmes, chez qui toute sensibilité était depuis longtemps émoussée. La présence du cadavre étendu sur le dos, avec ses traits contractés, ne les gênait nullement.

Loup Larsen, lui, ne riait pas. Mais une petite lueur amusée dansait dans le gris d’acier de ses prunelles.

Comme il s’était rapproché de moi, je pus l’exa-

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