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JACK LONDON

que du Canaque et hurlait comme un damné.

Je vis une nageoire noire fendre l’eau et s’élancer sur le cuisinier, beaucoup plus rapidement que celui-ci n’était hissé sur le Fantôme.

Il s’en fallut d’une seconde à peine que le requin ne réussisse à happer sa proie. Le bateau piqua du nez dans une vague. Le squale montra, dans un bref mouvement de bas en haut, la tache blanche de son ventre énorme.

Loup Larsen fut presque aussi vif que le requin. Pas tout à fait, cependant. De toute la force de ses muscles, il donna à la corde une secousse formidable et le corps du coq sortit de l’eau. Et, de même aussi, celui du requin.

Thomas Mugridge replia ses jambes sous lui et il semblait bien que le mangeur d’hommes était volé, car on le vit plonger et disparaître soudain, dans un éclaboussement d’écume.

Mais, simultanément, un cri terrible avait retenti.

L’instant d’après, Mugridge passait par-dessus la lisse, tel un poisson fraîchement péché, et il tombait sur le pont, comme une masse, en roulant sur lui-même.

Il était sauvé, mais une fontaine de sang jaillissait de l’extrémité de sa jambe droite. Le pied manquait, amputé net à la cheville.

Je reportai mon regard sur Maud Brewster. Blême et les yeux dilatés, elle était pétrifiée d’horreur. Elle regardait fixement, non pas Thomas Mugridge, mais Loup Larsen.

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