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JACK LONDON

Et ce fut au tour de Loup Larsen d’être perplexe. Ce nom, et tout ce qu’il évoquait, ne signifiait rien pour lui. En revanche, il signifiait beaucoup pour moi.

Je continuai, négligemment :

— Miss, je me souviens d’avoir écrit un compte rendu, à propos d’un petit volume…

Elle s’écria, me coupant la parole :

— Vous êtes, vous…

Ce fut à mon tour d’acquiescer de la tête.

— … Humphrey Van Weyden ! Oh ! que je suis heureuse ! Moi non plus, je n’ai pas oublié cet article si élogieux… Vous me flattiez.

— Du tout, pas du tout ! Ce que j’ai écrit, je le pensais et le pense encore. Ne dénigrez pas ma science de critique… Tous mes confrères n’ont-ils pas été, d’ailleurs, d’accord avec moi ? Lang n’a-t-il pas rangé Baiser toléré parmi les quatre plus beaux sonnets de femme, écrits en langue anglaise ?

— Vous êtes trop aimable !

Et ce bref colloque, le ton châtié de mon interlocutrice, l’atticisme mutuel de nos propos, firent soudain resurgir en moi l’image de ma vie passée. Tout un monde disparu, riche en souvenirs nostalgiques, s’était réveillé dans mon esprit, en un douloureux frisson.

Nous nous regardâmes bien en face et répétâmes :

— Alors vous êtes bien Maud Brewster, la célèbre poétesse ?

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