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JACK LONDON

Dans le canot, Johnson avait redressé sa voile, Leach s’était remis à écoper. Une vague se brisa sur eux et ils furent engloutis sous une mousse aussi blanche que la neige. La frêle embarcation émergea et tenta de nous rejoindre… Mais la goélette continuait sa route, Loup Larsen aboya brusquement à mon oreille, d’un grand rire sonore, et gagna la proue à larges enjambées.

Le canot disparut dans notre sillage et diminua de grosseur. Il n’était plus qu’un point, à deux milles derrière nous, lorsque tonna la voix de Loup Larsen. Il commanda d’abattre le foc et le clinfoc, de prendre des ris et de carguer une partie des voiles.

Le canot vit que la goélette ralentissait sa marche. Sur toute cette étendue de mer démontée, elle était son unique refuge. Résolument, Leach et Johnson entreprirent de nous rejoindre.

Étant donné la violence des lames, ce fut une rude besogne. Cent fois, je crus que la coquille d’œuf disparaissait à jamais dans les gouffres qui la happaient. Mais toujours elle surnageait.

Johnson était un marin éprouvé et il luttait magnifiquement. Au bout d’une heure et demie, le canot était de nouveau à portée de la voix.

— Alors ! grommela Loup Larsen, vous avez changé d’idées, mes gaillards ! Et vous ne songez plus à me brûler la politesse… Vous avez envie de revenir à bord ! À votre aise… Vous pouvez continuer l’opération !

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