Page:London - Le Loup des mers, 1974.djvu/241

Cette page a été validée par deux contributeurs.
JACK LONDON

goélette dans la bonne direction, et répondit :

— Je crois qu’ils n’auraient jamais pu toucher terre, monsieur Van Weyden.

— Ah, vraiment ?

— Avec la petite brise qui se prépare. (Il dut donner rapidement un nouveau tour de roue.) Dans une heure d’ici, il n’y aura plus une coquille d’œuf capable de tenir sur la mer. C’est une chance pour eux, au contraire, qu’on soit là pour les ramasser.

À ce moment, Loup Larsen, qui venait de s’entretenir avec les rescapés, arriva à grands pas. L’élasticité féline de sa démarche était plus marquée qu’à l’ordinaire, et ses yeux brillaient.

— Trois graisseurs et un quatrième mécanicien ! me dit-il. Mais nous en ferons des matelots ou des rameurs. À propos, et la dame ?

À sa question, je ressentis un serrement de cœur, je ne sais pourquoi, et une angoisse, dont je n’étais pas maître, m’étreignit. Je me contentai, pour réponse, de hausser les épaules d’un air indifférent. Loup Larsen, les lèvres pincées, émit un sifflement railleur.

— Enfin, reprit-il, comment s’appelle-t-elle ?

— Je l’ignore ; je ne le lui ai pas demandé. Elle dort en ce moment, elle était éreintée. Sur quel bateau se trouvait-elle ?

— Un paquebot courrier, répondit-il brièvement, The City-of-Tokio, de Frisco à Yokohama, désemparé par la tempête. Un vieux sabot qui

242