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Le Loup des mers

la broussaille d’une énorme barbe noire, tachetée çà et là de poils gris, et qui, comme tout le corps de l’homme, dégouttait d’eau. Les yeux fermés, l’homme semblait sans connaissance. Il avait la bouche grande ouverte, sa poitrine haletait, et il avait du mal à respirer.

D’un mouvement automatique, un matelot prenait de temps à autre un seau de toile, pendu au bout d’une corde, le laissait tomber à la mer, puis, quand il était plein, le hissait à bord et, pour lui faire reprendre ses esprits, j’imagine, en déversait le contenu sur l’homme prostré.

En mâchant furieusement un bout de cigare, l’homme dont le regard m’avait sauvé faisait les cent pas sur le pont.

Il mesurait bien un mètre quatre-vingt-dix. Mais ce qui me frappa surtout, c’était sa vigueur exceptionnelle. Large d’épaules et de poitrine, il ne donnait pas cependant une impression massive. Son énorme stature était souple et nerveuse, et il y avait en lui du gorille.

Il évoquait, par son allure et par son aspect, cet homme préhistorique tel que se le forge notre imagination ; ce prototype des races actuelles, issues de lui, qui, comme les singes, gîtait dans les arbres et qui, dans sa force féroce et farouche, était l’essence même de la vie.

Et cette vie semblait aussi tenacement inhérente au personnage que celle qui se manifeste encore dans le corps d’un serpent décapité, ou qui s’at-

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