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LE LOUP DES MERS

Mais je fus de nouveau renversé sur les genoux. Pour me redresser, je jouai des pieds et des mains, et passai sur le corps de Thomas Mugridge, qui gémissait, étendu sur le pont.

On aurait dit que la fin du monde était arrivée. De tous côtés, comme si le Fantôme avait été mis en pièces, j’entendais craquer, gémir et se déchiqueter le bois, l’acier et la toile. La voile de misaine, qu’il aurait fallu pouvoir amener en toute hâte, se déchira avec un bruit de tonnerre et fut bientôt réduite en lambeaux. Des cordages arrachés pendaient en sifflant et en se tordant comme des serpents, des éclats de bois pleuvaient comme une grêle. Une énorme vergue, en tombant, me manqua de quelques centimètres. Puis ce fut, finalement, toute la corne de misaine qui vint s’écraser sur le pont.

Dans ce monde de chaos et de naufrage, je cherchai du regard Loup Larsen. Il avait abandonné le gouvernail et s’acharnait à abattre la grande voile.

De mon côté, j’entrepris la même opération avec le grand foc. C’était une besogne malaisée. Secondé mollement par Thomas Mugridge qui, certain de n’être pas entendu de Loup Larsen, ne cessait de geindre et de se lamenter, je la réussis, au prix d’efforts héroïques. Et, cela fait, je ne pus pas m’empêcher de constater avec plaisir que le Fantôme résistait malgré tout et ne sombrait pas.

Je songeai de nouveau au canot, et le vis qui

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